Le réseau des CIO entre l"enclume budgétaire et le marteau politique
Dans l’indifférence quasi générale, plus de 50 CIO ont disparu du paysage éducatif depuis 2009.
En 2013, le rythme des fusions et des regroupements s"est accéléré, le spectre des fermetures s"est élargi.
Bref, la liste des coups portés aux CIO est très longue (Académies de Versailles, Orléans/Tours, Lille, Lyon, Reims et maintenant l’académie de Rouen où il est prévu de fermer 10 CIO sur 17 !).
Où est la logique dans tout cela ?
Dans la préfiguration du Service Public Régional de l’Orientation (SPRO) et le contexte de désengagement financier des Conseils Généraux, les recteurs sont à la manoeuvre.
Leur feuille de route est claire : établir une nouvelle carte des CIO dans la perspective d’une gouvernance territoriale (cf. le nouveau partage territorial du pouvoir dans le champ éducatif) à très haut risque pour le service public d’orientation de l’Education nationale et les missions des CO-P et des Directeurs de CIO.
Le ministère a déjà prévenu : les CIO à gestion départementale ne seront pas repris par l’Etat et l’enveloppe budgétaire des rectorats ne sera pas abondée.
Il n’est pas inutile de rappeler ici que depuis quelques années, les CIO n’ont plus aucune ligne budgétaire au ministère. Les crédits de fonctionnement sont globalisés dans le budget général des rectorats qui déterminent la part de plus en plus réduite à allouer au niveau académique pour le fonctionnement des CIO.
Aucune norme n’existe et les plans de restructuration sont laissés à l’appréciation et à l’arbitrage des Recteurs conseillés en la matière par les CSAIO. Si de fait, les opérations de restructuration sont extrêmement variables d’une académie à l’autre, la représentation globale qu’ont les responsables académiques de l’orientation tient en deux mots : les CIO coûtent trop chers et l’orientation n’est qu’une affaire d’informations et de gestion des flux.
Fondées sur des opportunités budgétaires locales et des considérations gestionnaires peu soucieuses du devenir des personnels et de leurs conditions de travail, ces réorganisations sont généralement “brutales” dans leur accomplissement et jamais concertées dans leur mise en oeuvre.
Cette situation est inacceptable. La disparition sur un territoire d’un service public de proximité de l’Education nationale destiné aux publics scolaires, étudiants, à leur famille, aux jeunes, à des personnes en situation de handicap, à des adultes, ou encore à des élèves nouvellement arrivés en France ... est lourde de conséquences. Les projets de fermeture, s’ils se réalisent comme prévu, mettraient fin à la dynamique éducative, territoriale et partenariale impulsées par les CIO. Plus grave encore : c’est l’existence même de l’orientation comme démarche vivante, critique et constructive qui serait alors remis en cause .
Faut-il se résoudre à ce qu’à l’horizon des prochaines années, avec près de 80% de jeunes scolarisés à 18 ans, et l’objectif de 50% d’une génération avec un diplôme de l’enseignement supérieur, un seul CIO par département suffise à répondre aux besoins de la population scolaire, étudiante …? Faudra-t-il accepter que des zones rurales voient disparaître les seul lieux publics qui existent encore ?
Cette façon de voir est incompréhensible sauf du point de vue rationel et déconnecté d’un management très mal inspiré !
Peut-on sérieusement affirmer par exemple que la référence de plus en plus pressante aux indicateurs et aux statistiques sur les taux de passage ou sur l’emploi par exemple, soit les principales choses à considérer pour traiter sérieusement des questions d’orientation des jeunes ? Les meilleurs spécialistes de l’orientation eux-mêmes s’en gardent bien quand ils montrent toute l’importance des aspirations, des motivations, de la réalité sociale, affective des sujets, dans les processus d’orientation. C’est à ce niveau autonome et irréductible de la réalité humaine que les CO-P/DCIO exercent de leur métier.
Dans un contexte extrêmement difficile du point de vue de l’insertion et de l’emploi, dans un contexte de grande fragilité du lien social où l’inquiétude des familles, des jeunes est forte, l’ACOP-F rappelle que les CIO sont des espaces collectifs de dialogue, de réflexion et de médiation.
Elle estime que la prise en considération des adolescents et de tous les publics constitue un enjeu majeur pour notre société. La place que nous leur donnons, le regard que nous portons à leurs difficultés, l’attention et le temps que nous accordons à leur expression, conditionnent le développement de leurs potentialités et leur devenir. Quels acteurs, mieux que les conseillers d"orientation-psychologues, de par leur formation, leur statut, leurs missions sont en capacité de faire ce travail ? Lesquels, mieux qu"eux, peuvent aider les enseignants, les familles à participer à cette oeuvre éducative spécifique qu’on appelle la première orientation ?
Si rien n’est fait pour stopper ces restructurations, les jeunes risquent d’être renvoyés vers des organismes qui se multiplient à la marge du système éducatif et au sein du système de l"emploi, avec des personnels souvent peu ou pas formés.
Dans ce contexte, l’ACOP-F tient à rappeller que :
1. La spécificité des CIO, organisme de l’Education nationale, doit être prioritairement axée sur la prévention et l’aide à la formulation de projets scolaires et universitaires.
2. les activités des CIO ne sont pas de activités économiques au sens européen du terme et doivent donc être considérées comme des services publics non économiques.
Attachée à promouvoir une politique publique d’orientation associant, qualité, proximité, égalité, gratuité et droit d’accès au conseil pour tous, l’ACOP-F demande au ministre de l’Education nationale, qu’il prenne en urgence toutes les mesures nécessaires, notamment sur le plan financier, pour assurer l’indépendance des CIO et leur pérennité.
A ce propos, l’ACOP-F rappelle qu’elle n’est pas opposée à une gestion pluripartite des CIO.
L’Etat a en responsabilité l’orientation, les personnels doivent donc en dépendre, la région est concernée au titre de la population lycéenne et étudiante, le départements au titre de la population des collèges et aussi en raison des actions menées par les CIO dans le domaine de la prévention et du handicap, les villes ou les métropoles le sont quant à elles au titre d’un service de proximité.
Pour toutes les raisons indiquées dans ce texte, l’ACOP-F tient à exprimer son entière solidarité à la mobilisation actuelle des collègues qui subissent des plans de restructuration ou de fermeture de leur CIO.
L’ACOP-F invite tous les Délégués Académiques à s’associer aux mobilisations locales, à prendre toutes initiatives allant dans le sens d’une reconnaissance pleine et entière des missions des DCIO et des CO -P affectés dans des CIO et à participer aux groupes de travail que les rectorats devraient mettre en place dans les semaines qui viennent.
Pour le CA
Dominique HOCQUARD
Président de l"ACOP-F